Interview croisée : Jeanne Cartillier & Baptiste Mylondo
La question des rémunérations est souvent un point noir et celle de la justice salariale un point aveugle
Jeanne : Je rejoins totalement Baptiste sur l’impensé – allant parfois jusqu’au tabou – que représente le sujet de la politique salariale dans les organisations engagées pour la transition, et la nécessité d’ouvrir cette « boîte noire » pour déconstruire certaines idées reçues et partager des pistes de travail concrètes en la matière.
Ainsi, une politique salariale « éthique » repose sur des critères de justification des inégalités de rémunération conformes aux valeurs des structures engagées dans la transition écologique et solidaire (« À chacun selon ce qui compte pour nous », en quelque sorte). Une politique salariale « juste » est le fruit d’une procédure juste, c’est-à-dire transparente, démocratique… (« À chacun selon ce que nous avons accepté collectivement »). Enfin, une politique salariale « équitable » permet à chacun et chacune d’obtenir… ce qui lui revient.
Autrement dit, en schématisant un peu, on peut dire que l’éthique porte sur les principes de départ, la justice porte sur la procédure et le cadre d’élaboration de la politique salariale, et l’équité sur le résultat, sur la grille de salaires obtenue. Le titre de notre formation met donc l’accent sur cet objectif final.
J.C. : Pas mieux ! J’ajouterais que la recherche d’équité renvoie à l’importance de la démarche de co-construction des critères d’équité salariale avec les parties prenantes concernées. Cela a d’autant plus de sens dans des organisations souvent fondées sur une quête d’harmonie et de cohésion collective, ayant une inclinaison naturelle pour l’égalité salariale.
J.C. : Tout est dit et on converge avec Baptiste sur la double-efficacité interne et externe, l’une sans l’autre rendrait l’édifice bancal. J’ajouterais comme ingrédient de l’efficacité de la politique salariale qu’elle soit facilement appréhendable et compréhensible pour toute personne nouvellement entrante dans l’organisation : cela contribue à la clarté du cadre de travail et de confiance.
B.M. : Effectivement, je ne pense pas que les structures engagées échappent à ce tabou de l’argent. Cela peut être un vrai frein car la mise en œuvre d’une grille de salaires juste implique d’être en mesure de s’ouvrir, collectivement, sur ces questions financières, y compris en abordant des situations concrètes. Mais inversement, adopter des mécanismes de rémunération équitables peut justement permettre une plus grande transparence quant aux salaires (au sein du collectif de travail au moins) sans craindre que s’expriment des sentiments d’injustice, de manque de reconnaissance voire de jalousie. De fait, s’il est si difficile de parler de nos salaires aujourd’hui dans les organisations, c’est aussi parce qu’on craint (à raison sans doute) que cela lève le voile sur des systèmes de rémunération incohérents ou injustes, et que ce soit source de conflits.
J.C. : L’une des problématiques que je constate très régulièrement dans les structures engagées consiste en la coexistence entre les personnes fondatrices et porteuses du projet qui ont accepté – ou acceptent encore – de se rémunérer de façon très réduite au regard du temps passé, et les personnes salariées ayant rejoint l’aventure au fil de l’eau sur la base d’une offre de poste et de missions claires. Le besoin de reconnaissance par la rémunération ne peut être le même entre ces deux catégories de professionnels. Nommer et faire exister le sujet de la rémunération au sein des structures engagées est un défi en soi.
B.M. : J’ajouterais qu’il peut être intéressant de sonder l’ensemble des personnes salariées de la structure afin d’évaluer leur degré de satisfaction (et surtout d’insatisfaction) concernant leur niveau de rémunération, et de mieux cerner leurs besoins et attentes. Cela peut constituer une bonne base de discussion, très complémentaire de la démarche d’objectivation dont parle Jeanne.
J.C. : Une politique salariale équitable se caractérise, pour moi, par le fait qu’elle est fondée sur des critères partagés propres à l’organisation, permettant, par exemple, de valoriser l’ancienneté si la question de la formation interne et le tutorat des plus « juniors » fait partie des priorités de la structure, ou encore de valoriser la prise de responsabilité tournante dans des organisations responsabilisantes. Les exemples sont légion et nous les décortiquerons ensemble lors de la formation !
J.C. : Tout à fait en phase avec Baptiste. Les solutions apparemment simples ne sont pas le plus souvent des solutions robustes dans la durée. Accepter une dose de complexité pour bâtir une société plus écologique et solidaire en vaut la chandelle !
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Cette formation de 10h propose une approche théorique et pratique pour connaître les critères de détermination d’un salaire juste, cerner les différences entre égalité et équité salariale et comprendre les potentialités et points de vigilance des différents modèles de politique salariale.
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