Bénévoles et personnes salariées peuvent-ils avoir les mêmes missions ?
– Décryptage juridique –
Un article rédigé par Alice Roure dans le cadre de la Lettre Solutions de septembre 2025
Dans les associations, les personnes bénévoles et salariées sont amenées à travailler ensemble. Mais peuvent-elles effectuer les mêmes missions ? Dans les mêmes conditions ? Le champ d’action des bénévoles est-il limité ? Derrière ses interrogations se cachent deux questions juridiques : celle du risque, existant mais en pratique très limité, de requalification d’un engagement bénévole en travail salarié, et celle de la sécurité et de l’assurance des bénévoles.
Le bénévolat est l’engagement libre d’une personne à participer à l’action d’une structure d’intérêt général, sans rémunération ni contrainte. Le travail bénévole est la norme dans une association. Par principe, une personne bénévole peut tout faire au service de votre association, peu importe qu’une personne salariée ait les mêmes missions ou non. Cependant, le bénévolat doit respecter certains critères pour ne pas risquer une requalification en contrat de travail et intervenir en toute sécurité.
Quels sont les critères du contrat de travail ?
Selon les juges, l’existence d’une relation de travail salariée « ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité ».
Elle est définie par trois critères cumulatifs, c’est-à-dire devant tous être remplis :
- un travail pour autrui
- une rémunération
- un lien de subordination juridique, qui existe lorsqu’une personne travaille selon les ordres et directives d’une autre, qui a le pouvoir de contrôler l’exécution de ce travail et d’en sanctionner les manquements
À noter : un autre critère est parfois analysé par les juges, sans entrer dans la définition officielle du contrat de travail, celui de la dépendance économique de la personne envers la structure pour qui elle travaille.
Une association peut alors se demander : des frais remboursés à des bénévoles pourraient-ils être considérés comme une rémunération ? Une personne bénévole pourrait-elle estimer être subordonnée et saisir le conseil de prud’hommes afin de demander la requalification de sa relation de travail en salariat ? La réponse ne sera positive qu’à condition que le travail bénévole cache en réalité un contrat de travail déguisé.
Un lien de subordination peut-il être reconnu dans le bénévolat ?
En pratique, le fait de donner des consignes à vos bénévoles et d’encadrer leurs missions, pour la bonne conduite de l’association, ne caractérise pas un lien de subordination. Il faudrait établir des ordres et directives très stricts et menacer la personne qui ne s’y soumettrait pas de sanction et autre pression financière pour risquer un basculement.
Si vos bénévoles participent à la vie de l’association de leur plein gré, sans pression et avec la volonté d’aider à la réalisation des missions d’intérêt général que vous portez, il importe peu qu’il s’agisse des mêmes tâches que celles effectuées par l’équipe salariée. Il convient également que l’engagement bénévole puisse cesser dès que la personne le souhaite !
Par exemple, la réalisation d’interviews et la rédaction d’articles d’un magazine associatif et participatif (Agir à Lyon, pour ne pas le citer !) peuvent autant être confiées à des journalistes de l’équipe salariée qu’à des bénévoles souhaitant ainsi militer et agir pour une société plus juste et écologique. Le fait d’imposer une structure des articles et une ligne éditoriale ne place pas les bénévoles dans une situation de subordination.
Le défraiement de vos bénévoles peut-il être considéré comme une rémunération ?
S’agissant du défraiement des bénévoles, il est facultatif et parfaitement toléré, à condition de rester raisonnable et proportionné aux frais réellement engagés par les personnes.
Bon à savoir ! Dans une affaire célèbre, une grande association de solidarité a vu sa relation avec plusieurs bénévoles requalifiée en salariat. L’organisation versait aux intéressés, à titre de remboursement, une somme forfaitaire qui dépassait de deux fois le montant des frais réellement exposés. Pour le dire autrement, ils étaient 3 fois trop remboursés par l’association ! Une telle pratique a été jugée comme un salaire déguisé, susceptible de créer une dépendance économique des bénévoles envers l’association. S’agissant de la subordination, ces bénévoles étaient chargés de convois de voyageurs, pour lesquels ils étaient soumis à consignes très précises, devaient respecter des horaires stricts et obéissaient à un règlement dit « du service des convois ». Ces personnes n’étaient enfin pas adhérentes de ladite association, ce que les juges ont pris comme un indice supplémentaire de l’absence de bénévolat, puisqu’ils n’exprimaient pas leur volonté de soutenir la mission d’intérêt général de l’association.
En conclusion, si vos relations avec vos bénévoles s’inscrivent dans un cadre normal, dans lequel ils et elles sont libres de participer à la vie associative selon vos besoins et dans votre cadre, mais dans le respect de leurs contraintes, envies et horaires, tout ira bien.
Quelles obligations de sécurité et d’assurance avez-vous envers vos bénévoles ?
Une structure employeuse est tenue d’une obligation de sécurité et de prévention des risques envers les personnes salariées à son service. Une telle obligation particulière n’existe pas à l’égard des personnes bénévoles. Cependant, il existe évidemment une obligation générale, de bon sens et issue du droit commun, de ne pas causer de dommage à ceux qui croisent la route de votre association.
À noter : il est déconseillé de confier des missions présentant un fort risque à des personnes bénévoles, d’autant plus si elles agissent sans encadrement de l’équipe salariée ou ne sont pas formées correctement pour le faire.
S’agissant de dommages qui pourraient être causés par une personne bénévole, votre association en sera tenue responsable, sauf abus de la personne. D’un point de vue du droit civil, un bénévole est en effet le préposé d’une association, qui doit donc répondre des préjudices qu’il pourrait créer.
Cependant, si une personne bénévole cause un dommage en ayant une attitude qui sort clairement du cadre de ses missions ou encore en commettant une infraction, vous pourrez contester votre responsabilité et, si besoin, vous retourner contre la personne.
Il convient donc de souscrire une assurance responsabilité civile, qui a pour objet d’indemniser les dommages causés ou subis tant par votre équipe salariée que bénévole, ou encore par les personnes adhérentes et dirigeantes.
À noter : En principe, l’assurance responsabilité civile n’est pas engagée en cas de dommage survenus entre bénévoles adhérents à une même association. Si vous souhaitez que cela soit le cas, il faut qu’une clause du contrat d’assurance prévoie que vos membres ont une qualité de tiers entre eux.
Bon à savoir ! S’agissant de bénévoles qui ne seraient pas adhérents de votre association, ou pas encore, ils seront couverts par votre contrat d’assurance si celui-ci précise bien que sont assurés notamment “bénévoles et adhérents”, ce qui est le cas en général.
Notez enfin que les organismes d’intérêt général peuvent s’ils le souhaitent souscrire, au profit de leurs bénévoles, une assurance volontaire couvrant les risques « accidents du travail et maladies professionnelles » survenus lors de leurs activités. Pour ce faire, il convient de se tourner vers la caisse primaire d’assurance maladie et de s’acquitter du paiement d’une cotisation.
Un article dans le cadre de la Lettre Solutions
La lettre des acteurs qui portent la transition écologique et les solidarités
Chaque mois, Alice, notre juriste, répond à une question juridique qui se pose dans le développement de nos structures engagées.
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