Ma structure crée un poste. Pouvons-nous recruter en CDD dans un premier temps ?

– Décryptage juridique –

Un article rédigé par Alice Roure dans le cadre de la Lettre Solutions de janvier 2025

En raison de sa nature précaire, le droit du travail français considère le CDD comme un contrat exceptionnel, à n’utiliser qu’à défaut de possibilité de conclure un CDI et dans des cas prévus par la loi.

Alors, pouvez-vous opter pour un CDD dans un contexte de création de poste, le temps de sécuriser votre nouvelle organisation ou votre situation financière ? La réponse est oui, à condition de respecter certaines conditions.

Le CDD, un contrat par nature temporaire

Le contrat à durée déterminée ne dure, comme son nom l’indique, qu’un certain temps et ne peut pas servir à « pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». Autrement dit, le CDD ne peut être utilisé que pour l’exécution d’une tâche qui doit être à la fois précise et temporaire. 

Il doit, en outre, être conclu pour l’un des motifs de recours prévus par la loi, parmi lesquels le remplacement d’une personne absente, la saisonnalité, l’accroissement temporaire d’activité, etc. On peut retrouver la liste de ces motifs ici.

Si votre structure grandit, et que vous créez un nouveau poste, vous pouvez n’être pas encore sûr de sa pertinence ou sa pérennité au sein de votre structure, ou de bénéficier de financements suffisants pour l’assumer sur le long terme. Dans ces hypothèses, certains motifs de recours peuvent correspondre à votre situation. Le plus évident est l’accroissement temporaire d’activité.

1/ Accroissement temporaire d’activité :

Vous pourrez opter pour cette motivation si votre création de poste est due à une augmentation de votre activité dont vous ne savez pas si elle sera ou non durable. Dans ce cas, il y a bien accroissement de votre activité, et elle est pour l’instant temporaire.
Ce CDD peut être renouvelé une fois, et durer jusqu’à 18 mois, renouvellement compris.

💡 Bon à savoir : vous n’aurez pas à préciser dans le contrat en quoi consiste l’augmentation d’activité.

2/ Autres possibilités : Si votre situation ne correspond pas à une augmentation momentanée de votre activité, vous pourrez éventuellement opter pour un CDD dit d’usage, un contrat saisonnier, voire un CDD de mission.

▸ CDD d’usage : Il existe un certain nombre de secteurs dans lesquels il est d’usage de recourir à des CDD. On parle alors de CDD d’usage. Ce CDD peut être conclu notamment dans les secteurs de l’information, de l’enseignement, de l’action culturelle, ou encore du spectacle. Attention, c’est l’activité principale de la structure et non seulement la fonction de la personne salariée qui doit relever d’un secteur visé par la loi.
Il faut que l’emploi concerné présente lui aussi un caractère par nature temporaire. Par exemple, bien que l’hôtellerie fasse partie des secteurs listés par le Code du travail, un poste de personnel de nettoyage dans un hôtel n’est pas un emploi à caractère temporaire.
Ce CDD d’usage peut être renouvelé 2 fois. Sa durée maximale n’est pas définie par la loi, elle doit simplement être conforme aux usages de la profession.

▸ Contrats saisonniers : Votre structure peut également appartenir à un secteur d’activité dans lequel le recours aux contrats saisonniers est permis (tourisme ou agriculture par exemple). Vous pourrez alors opter pour ce contrat, dont la durée maximale est égale à la saison concernée.

CDD de mission : Si votre secteur ne vous permet pas d’opter pour un CDD d’usage ou saisonnier, il existe également un CDD à objet défini, ou CDD de mission. C’est un contrat que l’on ne peut signer :

  • qu’avec une personne salariée bénéficiant du statut d’ingénieur ou de cadre
  • et à condition qu’un accord de branche étendu applicable à votre structure, ce qui n’est pas le cas dans les branches des acteurs du lien social (Alisfa) et de l’animation (Eclat, voir le décryptage d’octobre). Mais un accord d’entreprise peut également le prévoir.

L’intérêt de ce contrat est sa longue durée : il ne peut être conclu pour une durée inférieure à 18 mois et peut aller jusqu’à 36 mois. En revanche, il ne peut pas être renouvelé.

Attention ! Si votre but est uniquement de tester la personne, alors que vous êtes certains de vouloir pérenniser le nouveau poste créé, le CDD n’est pas le bon outil. Dans ce cas, mobilisez plutôt la période d’essai, qui peut durer de 2 à 4 mois selon la classification du poste (2 mois pour une personne employée, 3 mois pour une « technicienne-assistante de maîtrise et 4 pour une cadre, référez-vous à votre convention collective de branche), et peut être renouvelée une fois.   

Modalités de conclusion du CDD

Le CDD, contrairement au CDI, est un contrat qui doit être obligatoirement écrit; en précisant son motif de recours et un certain nombre d’autres mentions obligatoires, dont sa durée, la possibilité ou non de le renouveler ou encore l’existence d’une période d’essai. Pour n’en oublier aucune, le site du Code du travail numérique propose un modèle de CDD.

Le CDD doit aussi être transmis à la personne salariée dans les deux jours de son embauche. Si ce n’est pas le cas, la personne pourrait demander au conseil de prud’hommes le paiement d’une indemnité dont le montant maximum est d’un mois de salaire.

CDD hors cadre, quels sont les risques ?

Si votre CDD ne répond pas aux exigences légales, car il a été signé sans motif ou pour un mauvais motif, ou encore car il ne comporte pas toutes les mentions légales nécessaires, il pourrait être requalifié en CDI par les juges.
Concrètement, si la personne salariée saisit le conseil de prud’hommes, elle pourrait demander que la fin de son CDD soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’être indemnisée en conséquence, par le versement :

  • d’une indemnité de préavis, si son ancienneté lui permet d’y prétendre (exemple : la convention collective Alisfa prévoit un préavis d’1 mois pour toute personne salariée qui a fini sa période d’essai, et de 2 mois après 2 an d’ancienneté)
  • une indemnité de licenciement, qui est en général égale à ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté, à partir de 8 mois d’ancienneté, sauf indemnité prévue par votre convention collective plus favorable (exemple : dans la CCN Alisfa, elle est d’un ½ mois de salaire par année d’ancienneté, après un an d’ancienneté pour les personnes cadres et 2 pour les autres personnes salariées)
  • de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en sachant que leur montant est limité par un barème, en fonction de l’ancienneté et de la taille de la structure employeuse. À titre indicatif, cette indemnisation sera de 2 mois maximum pour un salarié qui avait un an d’ancienneté au moment de la rupture du contrat dans une structure employant moins de 11 salariés.

Il faut garder en mémoire que la fin d’un CDD ouvre quant à elle droit au versement d’une indemnité de précarité, dont le montant équivaut au minimum à 10 % de la rémunération brute totale versée durant le contrat de travail. Dans certaines situations, une personne salariée n’aura donc pas d’intérêt de contester le caractère précaire de son contrat.

Un article dans le cadre de la Lettre Solutions

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